Les études en psychopathologie de l’enfant ont révélé l’importance du contact physique, des échanges affectifs pour le bon développement de la personnalité.
Psychopathologie de l’enfant: Pour un bon équilibre entre le corps et l’esprit
Essayons de voir comment vont s’articuler le psychisme (conscience de soi et de l’environnement) et le soma (corps).
Dans la conceptualisation de la pédopsychiatrie et de la psychopathologie de l’enfant, tout se passe comme si les premiers jours de sa vie, le nourrisson a l’impression d’être le monde à lui tout seul ; il est dans une position d’omnipotence, de “mégalomanie”. Si nous reprenons l’exemple du sein, quand l’enfant pleure la mère lui donne le sein, il s’imagine alors qu’en pleurant, il a lui-même créé le sein et le lait ! Cette première attitude peut éclairer le pourquoi de notre égocentrisme fondamental dont les personnes les plus altruistes ont elles-mêmes du mal à se départir car les premiers mois de la vie sont, en durée subjective, très importants et donc déterminants. A cette période, l’imaginaire de l’enfant est au-delà de la réalité extérieure, il est en symbiose avec l’état émotionnel environnant. L’atmosphère qui l’entoure (climat émotionnel…) est intégrée comme appartenant à sa propre réalité intérieure, d’où l’importance d’une présence de qualité pour s’occuper de lui car cela façonnera sa psyché de manière positive, lui apportant un bon “narcissisme primaire”.
Progressivement, l’enfant va prendre conscience d’une réalité extérieure qui s’impose à lui. L’enfant pleure, le sein et le lait n’arrivent pas immédiatement, désillusion et dépression surviennent. Ceci est cependant une phase normale et naturelle structurante. Cette perte d’omnipotence est compensée par les stimulations et découvertes du monde extérieur désormais intégrable dans le mental de l’enfant et non plus confondu avec son intérieur à lui. Alors, tout contact physique direct entre la mère et l’enfant -soins corporels, massages, câlins…- vont créer un appel, une attraction du psychisme vers le soma. Ceci, jusqu’à une adéquation, une adhérence complète entre le schéma corporel mental et le corps. Cette liaison forte somato-psychique est la condition même d’un bon équilibre de la personnalité et crée une protection, une résistance aux éventuels chocs émotionnels et affectifs à venir.
Ce phénomène de liaison soma et psychisme nous permet de mieux comprendre par exemple la résistance psychologique, l’acceptation de l’adversité de certains peuples dont la culture apporte dans la prime enfance une attention importante au corps, quantitativement et qualitativement.
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D’un point de vue concret
Comment apporter un bon équilibre psyché/soma à l’enfant, une bonne unification corporelle ?
1. En lui faisant des massages Avant l’âge d’un mois ce sera plus un effleurement qu’un massage, après l’âge d’un mois, progressivement, les massages pourront être plus appuyés et fermes.
La mère (ou le père) massera son enfant seulement quand elle en aura envie et se sentira détendue. Il est également important que les massages soient faits à distance des repas mais lorsque l’enfant n’a pas faim.
La mère s’enduira les mains d’huile non parfumée (amande douce, par exemple).
Elle sera assise par terre -dans une position qui permet une relation de regard à regard entre elle et l’enfant- dans une pièce chaude pour que le bébé nu ne prenne pas froid (prendre soin de mettre une couche à proximité pour un pipi éventuel !).
Les massages profonds, appuyés auront l’avantage de solliciter non seulement l’épiderme, mais aussi les muscles, les tendons et autres plans profonds : sensations proprioceptives, pressions, tensions, stimulations des os, des articulations. On massera également le cuir chevelu, le front, les tempes de manière circulaire (ainsi qu’une légère pression sur les paupières) le lobe des oreilles, le nez, les pommettes, le menton, la paume des mains, la plante des pieds, des doigts.
Le massage au niveau de l’abdomen se fera dans le sens des aiguilles d’une montre.
D’autre part, pendant le massage, il est préférable de parler au bébé, de chanter, d’être en contact avec son regard. Une des deux mains doit toujours garder le contact avec son corps.
Enfin, après le massage, il est déconseillé de faire prendre un bain à l’enfant car celui-ci effacerait les stimulations corporelles qui continuent à se mémoriser. Il vaut mieux l’envelopper dans une serviette chaude ou le garder contre soi.
2. En le portant toujours dans les bras (ex : porte-bébé Kangourou !) comme ont l’habitude de le faire les femmes africaines, ce qui a pour effet d’entraîner des stimulations somesthésiques qui développeront les circuits neurologiques du cervelet, structure nerveuse qui assure l’équilibre et la précision du déplacement dans l’espace. Ceci explique bien l’aisance du maintien et des mouvements des populations africaines.
Tous ces faits mettent en évidence l’importance des contacts physiques dans les premiers dix huit mois de la vie.
Quelques conséquences importantes en psychopathologie de l’enfant
Cette grille d’explication permet de comprendre que certaines attitudes ou situations peuvent avoir des conséquences graves sur l’équilibre de l’être humain. En voici quelques exemples :
Toute culpabilité par rapport au corps ou toute éducation froide ou rigide ( sous prétexte de l’idée erronée que l’enfant peut devenir dépendant et de plus en plus “exigeant” de ces plaisirs) faciliteraient l’apparition de l’angoisse.
La négligence du corps du bébé et une carence en stimulations vont entraîner une inadéquation plus ou moins importante de la psyché et du soma. Cette lacune entre la psyché et le soma sera le terrain propice au développement d’une angoisse massive (très différente de l’inquiétude face aux évènements) de certains malades avec un sentiment de dépersonnalisation, d’étrangeté par rapport à son propre corps.
Un choc accidentel commotionnant le corps ou un grand choc émotionnel sidérant le psychisme peut également ébranler cette adéquation psyché soma et provoquer un état confusionnel de dépersonnalisation avec un sentiment d’étrangeté transitoire. Un soin attentif, chaleureux, des massages, caresses, tout un nursing maternant pourront alors faciliter la régression de cette pathologie via le corps et via le psychisme. Il faudra aussi réintroduire des figures d’attachement habituelles : une personne de l’entourage immédiat, connue depuis longtemps, aura plus d’effet restructurant et permettra mieux de retrouver le contact avec la réalité qu’une personne qui a représenté un échange de plus grande qualité, voire un moment privilégié de l’existence, mais qui ne fait pas partie de l’entourage coutumier. La personne qui fait partie de l’univers quotidien présente un caractère plus rassurant et est vécue par la personne comme une sorte “d’ancre” (au sens où on l’entend en PNL.) à la réalité.
Le schizophrène qui a un décalage entre le soma et la psyché peut se faire des mutilations sans ressentir de souffrances physiques tant son esprit est hors de son corps avec bien sûr retentissement sur la perception de la réalité extérieure d’où l’émergence de délire (sorte de rêve à l’état de veille) qui fait que le corps en décalage n’ancre plus l’émotion dans la réalité physique.
Des drogues qui agissent sur cette jonction psyché soma peuvent entraîner ce genre de pathologies.
D’autre part, du fait d’une adhérence entre la psyché et le soma, les Européens du Nord sont plus hautement exposés à ce genre de dissociation que ceux du Sud. Du fait de la sensualité ambiante naturelle (climat, culture) où le corps est beaucoup plus nourri de sensations tactiles, olfactives, en psychiatrie, on trouve plus de pathologies dissociatives (schizophrénie) en Europe du Nord et plus de dépressions et de mélancolies en Europe du Sud.
Donc, pour tous les problèmes cités, le soignant devra notamment accorder une attention particulière au corps par des traitements centrés sur les sensations corporelles et le contact.
Quelques aspects normaux de tendance à la désintrication
Il y a cependant des situations dans lesquelles l’inadéquation corps soma n’est pas problématique, mais naturelle.
Le Rêve : dans le cas du rêve, la psyché est au-delà de la réalité extérieure et intérieure, le corps n’agissant plus. Le rêve mettant le psychisme au-delà des frontières réalité extérieure et intérieure, le psychisme se libère du soma dont l’activité est inhibée par une structure nerveuse appelée “la réticulée” qui empêche les muscles d’obéir aux suggestions oniriques sauf partiellement dans le somnambulisme. Cette désintrication du psychisme et du soma permet à l’être humain de se ressourcer en profondeur.
L’adolescence : A l’adolescence, de la même manière, le corps se remanie sur les bases de la petite enfance. Il y a une période de fluctuation entre le soma et le psychisme, avec un changement du rapport entre la personne et son corps en transformation (c’est la période de “dismorphophobie” : “nez trop long”, sentiment que le corps ne correspond pas aux normes…). Il y a également une modification du rapport entre le psychisme et la réalité sociale, par l’intégration d’idéaux sociaux (identification aux autres par le phénomène de mode, par exemple).
Une grille parmi d’autres
Grâce à cette loi qui nous permet de comprendre qu’agir sur le corps a un effet sur l’esprit et qu’agir sur le corps a un effet sur le psychisme, on arrive à mieux soigner et à aider les malades : ce qui n’est pas étonnant quand on sait que l’un des feuillets de l’embryon “l’ectoblaste” va former deux organes seulement, la peau et le cerveau ! Agir sur la peau agit sur le système nerveux, d’où l’importance des massages et inversement toute émotion s’enregistre au niveau de la peau comme peut le confirmer l’enregistrement cutané de courants électriques (par le placement d’électrodes au niveau de la peau). Toutefois, la réalité de l’enfance est subtile et complexe et la ramener à ce seul aspect mécaniste serait réducteur !
Cet aperçu théorique n’a d’autre prétention que de souligner l’intérêt des échanges affectifs et du contact entre les êtres humains et notamment avec les enfants.
Dr Fabrice LOMBARD (chef de service des hôpitaux en pédopsychiatrie, psychanalyste Jungien, il anime les formations en psychopathologie à la Tempérance).
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